Bandeau
AccueilListesHumeursLiens

 

Accueil > Humeurs > Y-a-t'il des normes sur Internet ?
Dernière modification : le 21/06/2003
 

Y-a-t'il des normes sur Internet ?

Le premier réflexe est de répondre sans ambages : oui. Pourtant, cette réponse doit être, pour le moins, nuancée. Si les protocoles de communications sont bien posés, il n'en est pas de même pour la gestion des contenus.

Une norme, qu'est-ce ? Pour quoi faire ?

Le Petit Robert donne quatre définitions à ce mot :

  1. (Littér.) Type concret ou formule abstraite de ce qui doit être.
     
  2. État habituel, conforme à la majorité des cas.
     
  3. (Technol.) Ensemble de règles d'usage, de prescriptions techniques, relatives aux caractéristiques d'un produit ou d'une méthode, édictées dans le but de standardiser et de garantir les modes de fonctionnement, la sécurité et les nuisances.
     
  4. (Ling.) Ce qui, dans la parole, le discours, correspond à l'usage général.

Oublions les points un et quatre et attardons-nous sur les deux autres qui nous intéressent.

Une norme sur Internet devrait répondre à la définition numéro trois. Bien des organismes tentent de mettre de telles normes en place. Citons, à titre d'exemple, le World Wide Web Consortium (W3C) qui a pour objectif de définir les normes de communications sur le Web, l'Internet Streaming Media Alliance dont le but est de normaliser la diffusion de vidéos et de sons, l'Internet Society qui a pour rôle de définir les standards de transmissions sur le réseau Internet.

Il en y en a d'autres. Si de tels organismes existent, c'est bien pour « standardiser et garantir les modes de fonctionnement, la sécurité et les nuisances. » Autrement dit, quel que soit l'ordinateur que vous utilisez, son système d'exploitation et le logiciel choisi, s'ils sont dans les normes, vous ne devriez pas avoir de problèmes. Dans les faits, c'est plus complexe. Voyons cela avec deux études de cas.

Le format PNG.

Le W3C préconise, entre autres, le format PNG pour mettre les images sur les pages Web. Ce format date de ... 1996 et devrait être lu sans anicroche par tous les navigateurs Web. Toutefois, il existe une exception notable : Internet Explorer sur Windows. Si ce dernier affiche les images PNG opaques sans soucis, il n'en va pas de même pour celles qui ont des zones transparentes. Ces dernières sont en fait de belles zones grises. Autrement dit, le format PNG répond à la norme au sens « ensemble de règles d'usage, de prescriptions techniques, ... », mais pas au sens « état habituel, conforme à la majorité des cas. »

Pourtant le W3C a comme membres, parmi les plus connus, Adobe, Alcatel, AOL, Apple, AT&T, Boeing, Cisco, EDF, Ericsson, France Telecom, Hewlett Packard, Hitachi, IBM, Intel, Macromedia, Motorola, Nokia, Novell, NTT Docomo, The Open Group, Opera Software, Oracle, RealNetworks, Siemens, Sony, Sun, TotalFinaElf, Xerox et ... Microsoft.

Ce n'est pas anecdotique. Un administrateur de site Web a un vrai problème. Il doit tenir compte du tableau suivant :

PNG
Vu par « la norme »
Vu par Internet Explorer Windows

L'article n° 294714 de la base de connaissances de Microsoft est très clair sur ce point. Pour afficher correctement un PNG, il faut intégrer des technologies signées Microsoft pour que ça marche. Adieu la norme !

La solution consiste à utiliser le format « GIF ». Mais cela peut poser des problèmes juridiques (qui ont cessé depuis le 20 juin 2003) et le format est vieux et très limité. À ce jour, un administrateur de site Web se trouve devant un choix cornélien. Soit il respecte la norme et la majorité des internautes ne verra pas ses images correctement, soit il respecte la majorité et il ne soutient pas les effort d'unification d'Internet.

L'écoute audio sur le Web.

Là, c'est encore la jungle. Il en est d'ailleurs de même pour la vidéo. Les solutions proposées par Apple, RealNetworks et Microsoft tiennent le haut du pavé. Mais il existe aussi des solutions libres de droits.

Même s'il existe des initiatives comme l'Internet Streaming Media Alliance, il n'est guère possible de parler de norme en ce domaine. Selon le site choisi, l'internaute en est encore à télécharger le bon « plug-in » pour écouter de l'audio sur Internet. La mésaventure qui est arrivée récemment à Radio France est, à cet égard, intéressante.

Radio France avait décidé de proposer aux internautes la possibilité d'écouter ses stations en ligne. La technologie choisie fut Windows Media Player. Cela a provoqué une véritable levée de bouclier de la part d'une partie des usagers du Net. Les réactions pourraient se résumer ainsi : « Comment ? Il existe un tas de solution gratuites et libres de droits et une radio, publique de surcroît, engraisse l'hégémoniste Microsoft ! » Il y eut des articles dans la presse spécialisée et des explications de textes sur les ondes de Radio France. Depuis, probablement pour faire amende honorable, la radio publique expérimente une technologie « Open Source » : Ogg Vorbis. Pourtant la solution adoptée par la station n'était pas, par rapport au public visé, si dénuée de fondements que cela. Windows Media Player fonctionne sur Windows et Macintosh. Cela est vrai aussi pour Quicktime, certes, mais, du point de vue de la station, les deux technologies étaient équivalentes et Microsoft avait fait un prix.

En fait, Radio France a péché parce qu'elle a voulu proposer ce service trop tôt. La norme n'est pas encore en place. On en est encore au stade de la belle époque du VHS, Bétamax ou V2000 dans la guerre des magnétoscopes des années quatre-vingts. Il est d'ailleurs à noter que le VHS, qui a gagné la guerre, était le standard le moins bon techniquement.

Alors ? Y-a-t'il des normes sur Internet ?

Au sens « état habituel, conforme à la majorité des cas. », indubitablement : oui. Mais, c'est Microsoft, de par sa position dominante sur les PCs qui mène la danse. Au sens « ensemble de règles d'usage, de prescriptions techniques, ... » : non.

Un fournisseur de contenu ne peut pas se permettre de négliger les technologies proposées par le géant. Et même si une norme existe, elle ne peut s'imposer que si Microsoft décide de jouer le jeu ou que la justice l'y contraigne. Le résultat du procès antitrust intenté contre Microsoft n'est, à cet égard, guère rassurant.

Pour que les consortiums qui définissent les normes aient une chance de jouer pleinement leur rôle, il faut en fait se pencher sur ce qui se passe dans le monde « Open Source ». Une solution disponible sous GNU/Linux, FreeBSD et consorts a de bonnes chances de devenir la norme au sens « état habituel, conforme à la majorité des cas. ». En effet, l'existence d'un projet « Open Source » qui met en œuvre une technologie préconisée par un consortium rend cette dernière pérenne.

Le portage d'un projet qui tourne sous un système d'exploitation libre vers un système d'exploitation « commercial » se fait toujours à plus ou moins brève échéance. L'inverse, lorsque les spécificications sont connues, aussi. Il suffit de voir les projets liés au format PDF, une technologie inventée par Adobe, pour s'en convaincre.

Il y a quelque chose de réconfortant à penser que le moyen de contrer une firme aussi puissante que Microsoft passe par les programmes gratuits, également appelés « logiciels libres ».